La coop à la une La Scar en voie de diversification
La Société coopérative agricole ribéracoise est l’un des premiers collecteurs de céréales et distributeurs d’appro de la Dordogne. Elle cherche à se diversifier pour développer ses productions, mais tient à rester indépendante, insiste Jean-Jacques Gendreau, son président.Par Florence JacquemoudPhotos : Nicolas Lux
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Dans l’entrée des bâtiments de la Scar, à Ribérac, est accrochée une belle photo en noir et blanc d’un grand banquet d’adhérents, prise dans les premières années de son existence. « La fête s’était tenue dans le hall de l’ancienne gare de la ville, raconte Jean-Jacques Gendreau, le président de la coop. À l’époque, les agriculteurs avaient payé leur repas en kilos de blé. Nous avons gardé cet esprit de solidarité, que j’apprécie tout particulièrement. Quand ça va mal, tout le monde se serre les coudes ! » Créée en 1935 dans le secteur céréalier du Ribéracois, au nord de la Dordogne, la Scar a évolué au fil des ans, notamment en venant en aide à d’autres structures en difficulté. En 1975, lorsque la CAD 24, grosse coopérative agricole de la Dordogne qui couvrait tout le département, a mis la clé sous la porte, elle s’est entendue avec La Périgourdine, son homologue installée dans le secteur sud, pour se partager les activités. Elle a ainsi repris les quatre dépôts de fournitures du nord-est à Excideuil, Négrondes, Payzac et Thiviers, et les productions bovine, ovine et caprine, en filières viande et lait, présentes dans ce secteur proche du Massif central. De son côté, La Périgourdine a hérité de la vigne et des hectares de fraises. En 2000, la Scar a créé une filiale, Valbrie 16, qui regroupe deux dépôts en Charente, à Chadurie et Brie-sous-Chalais, et un en Charente-Maritime, à Chevanceaux. Aujourd’hui, la coop ribéracoise possède treize magasins d’appro et dix-neuf silos en Dordogne, auxquels s’ajoutent les trois sites charentais. Elle compte aussi six Lisa.
La Scar regroupe 2 000 adhérents, dont 1 500 actifs et 800 livreurs de céréales. Premier collecteur du département, elle totalise 100 000 à 150 000 t de céréales selon les années, dont 15 000 à 20 000 t fournies par Valbrie 16. En termes de volumes, le maïs arrive en première position, suivi des céréales à paille (blé, orge) dont les surfaces progressent, du tournesol et du colza. La coop dispose de 19 silos, d’une capacité totale de 70 000 t, et prévoit de stocker à terme entre 20 000 et 25 000 t par an en boudins, dans des gaines de plastique. « Nous utilisons cette technique depuis l’an dernier, explique Cédric Gensac, responsable logistique et silos. Nous disposons d’une boudineuse qui nous permet de confectionner des boudins de 75 m, que nous pouvons remplir de 320 à 340 t de n’importe quelle céréale. Cela permet notamment d’isoler certains lots et de les conserver presque sous vide, aussi longtemps que le marché l’exige. Les boudins sont posés à même le sol et n’ont pas besoin d’être protégés de la pluie ou du soleil, ni ventilés. Nous installons juste quelques effaroucheurs sonores pour éloigner les oiseaux qui pourraient percer le plastique avec leur bec. » En 2018, la coop a stocké 8 000 t de blé en boudins et devrait recommencer cette année pour 15 000 t de blé et maïs. Cette solution a l’avantage d’être souple et évite de construire de nouvelles cellules.
La Scar vend plus de 70 % de ses céréales à l’export, essentiellement aux pays tiers, mais aussi dans l’Union européenne. Elle possède dix semi-remorques pour les livrer au port de Bordeaux où les chargeurs affrètent la marchandise. Les 30 % de céréales restants sont vendus aux fabricants d’aliments français et espagnols. Une part est notamment dédiée à l’usine de mash que la coop a bâtie en 2002 à Coutures, pour approvisionner les élevages de ruminants, et dont la production est de 15 000 t par an.
Des productions transversales culture-élevage
« Pour l’usine, j’achète du triticale, de l’orge et du maïs à nos adhérents, parfois du blé, de l’avoine et du soja, détaille Jean-Marc Estay, en charge de l’activité élevage de la coop. Puis je complète avec des achats externes de tourteaux, luzerne déshydratée, de lin et de minéraux. Les éleveurs peuvent nous commander de l’aliment formulé à la carte, selon leurs besoins. C’est un vrai “plus” qui leur est apporté. Lorsqu’ils sont aussi céréaliers et qu’ils nous livrent leur récolte, le coût des céréales utilisées dans l’aliment s’annule, afin qu’ils n’aient à payer que la mouture et les compléments nutritionnels. » La Scar, dont les activités s’inscrivent dans la démarche Bleu-Blanc-Cœur, se lance par ailleurs dans la production de lin, dont la première récolte, cette année, sera livrée à Valorex. La coop compte, en outre, acquérir un toaster pour le lupin et le soja, afin de renforcer son activité nutrition animale et proposer des diversifications bien valorisées à ses céréaliers.
« En termes d’appro, nous vendons 20 000 t d’engrais par an (6,5 M€) et pour 2,5 M€ de produits phytos, ajoute Philippe Rodrigues, en charge du référencement et des achats des fournitures. La Scar est adhérente du groupement d’achat de l’UDCA, l’union des coopératives agricoles du Poitou-Charentes, et chacun de ses responsables de marché assiste aux commissions qui le concernent pour établir ses gammes et ses plans d’appro. »
« L’UDCA fédère dix-sept coops modestes mais bien gérées, souligne Jean-Jacques Gendreau. Notre conseil d’administration a fait un choix fort de nouer des partenariats avec des structures voisines. Un rapprochement avec une coop 100 % élevage, partenaire d’activités d’abattage locales, est d’ailleurs à l’étude. Mais nous tenons à rester autonomes. Nos administrateurs ne voient pas d’intérêt à être intégrés à un grand groupe. »
C’est notamment pour garder sa liberté qu’en 2017, la Scar a engagé une réflexion sur la transmission de son outil dans de bonnes conditions. Les administrateurs et les adhérents ont mis en place une stratégie pour garantir sa pérennité, alors que la structure et le conseil d’administration « vieillissent » et qu’il y a peu de renouvellements. « Nous avons opté pour le dispositif Atout jeunes, dont nous avons confié à Jean-Marc Estay et Benoit Boneau, vice-président, le soin de mettre la démarche en place, poursuit le président. Douze jeunes suivent le cursus. Le groupe fonctionne bien et nous espérons que certains seront candidats pour entrer au conseil d’administration. »
Outre le thème de la gouvernance des coops, les stagiaires ont choisi de travailler sur l’agriculture de conservation, la maîtrise de l’irrigation, la consommation et le travail collectif. Ils partiront en fin d’année en voyage d’études en Israël. Dans la foulée, la Scar compte créer un GIEE agroenvironnemental spécialisé dans les couverts végétaux, les cultures de conservation et le lin pour mettre en œuvre les sujets qui intéressent ces jeunes recrues.
Du bio et du méthane
La coopérative anime également un groupe de réflexion sur la mutation de l’agriculture vers le bio. « Les collectivités locales sont demandeuses de produits locaux et bio, or aujourd’hui, nous n’avons pas de spécialiste dans ce domaine et nous ne sommes pas équipés pour recevoir ces cultures, reconnaît Jean-Jacques Gendreau. Nous sommes obligés d’orienter nos adhérents qui se convertissent vers d’autres organismes stockeurs. Afin de pouvoir les accompagner nous-mêmes, nous réalisons une étude de marché et financière. Nous serons en mesure de proposer une stratégie d’ici un an. »
La coop, qui a la chance d’avoir sur son territoire une conduite de gaz, est en revanche bien avancée sur ses projets de construction de deux méthaniseurs qui seront connectés au réseau. Ceux-ci seront implantés à Saint-Séverin (Charente) et Saint-Méard-de-Drône, près de Ribérac, deux territoires contigus en zones vulnérables, où les agriculteurs doivent cultiver des Cive (cultures intermédiaires à vocation énergétique) pour garder leurs sols couverts. Pour ceux qui ne sont pas éleveurs et ne peuvent pas les valoriser avec leur troupeau, alimenter un méthaniseur grâce à cette matière première, plutôt que de la détruire, est une bonne solution. De plus, le fonctionnement des digesteurs exclusivement à base de végétaux devrait être garanti sans odeur. Les deux sites seront approvisionnés par des agriculteurs situés dans un rayon de 10 km. Une centaine se sont déjà pré-engagés pour 2 000 ha et ont fait des essais de seigle et de sorgho. La coop a créé la société Végaz pour l’achat des Cive aux céréaliers, ainsi que la production et la vente du gaz. La construction du premier méthaniseur, à Saint-Séverin, devrait commencer début 2020 et se terminer à la fin de l’année.
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